[Harvey] Cédric Faiche : « L’être humain donne le meilleur de lui-même dans certaines circonstances »
Cédric Faiche, le correspondant de BFMTV aux États-Unis, a suivi et couvert le passage de l’ouragan Harvey qui a dévasté une partie du Texas. Il témoigne sur TéléSphère de cette expérience et des conditions de travail bien particulières sur place.
Quelles impressions vous a laissé cette expérience « en pleine tempête » ?
C’est passionnant d’être aux côtés des Américains dans une situation de crise majeure. Vous voyez la solidarité et le calme impressionnants de la population. J’ai déjà couvert en France des inondations, moins graves, et il y avait cette même ambiance bienveillante, parce qu’une inondation rend tout le monde impuissant et vous prend tout (maison, voiture, objets personnels…) et met votre vie en danger. L’être humain donne le meilleur de lui-même dans certaines circonstances. La différence ici, je trouve que c’est l’optimisme. Je n’ai vu personne craquer, pleurer. C’est forcément arrivé, mais toutes les personnes que je rencontre ont l’air de considérer que ça fait partie de la vie et qu’il faut avancer.
Pas d’eau, ni de nourriture pour les habitants, pas d’essence non plus… Et vous comment avez-vous assuré la logistique en ces circonstances ?
L’avantage qu’on a sur la population, c’est qu’on arrive depuis des zones épargnées et qu’on peut faire des provisions avant d’entrer en zone sinistrée. J’ai acheté 10 litres d’eau, des bananes et des biscuits, loué un SUV, je refais le plein d’essence dès que je le peux. Ensuite, on est comme tout le monde. La première nuit, j’ai dormi à l’arrière de la voiture sans manger. Je m’étais garé dans un parking couvert pour être à l’abri. L’ouragan est arrivé dans la nuit, tout était fermé et les rares hôtels ouverts étaient pleins. Mais cette fois-ci, c’est plus facile de trouver des logements que pour l’ouragan Matthew il y a un an en Floride. Car la zone est plus urbanisée. Une mission comme celle-là vous rappelle l’essentiel : manger, boire, dormir. Et dans mon cas, il faut toujours avoir des batteries chargées pour pouvoir continuer à travailler. Comme il pleuvait toute la journée, l’autre challenge était de garder le matériel sec en l’essuyant en permanence. J’ai beau tourner avec du matériel très simple, la moindre goutte d’eau mal placée peut arrêter la mission et me rendre complètement inutile si je ne suis plus capable d’envoyer des images. Le soir, je séchais mes vêtements pour repartir sec le lendemain matin. J’ai récupéré deux sèche-cheveux dans mon hôtel à Houston et j’ai passé plus d’une heure chaque soir à sécher mes vêtements.
« Mon but n’est pas de prendre des risques et de m’ajouter au nombre de personnes en danger à aller sauver »
Une telle mission est très risquée ; un ouragan est un des phénomènes naturels les plus violents. Quelle a été votre gestion de ce risque pour exercer malgré tout votre métier de journaliste ?
Mon but n’est pas de prendre des risques et de m’ajouter au nombre de personnes en danger à aller sauver. Ma mission est de témoigner au plus près de ce que vit la population sans être une gêne. Ma technique est de suivre très précisément l’avancée de l’ouragan et des inondations grâce a tout un tas d’applications sur smartphone. Ça me permet de le suivre, pour constater les conséquences, en évitant d’être face au phénomène, toujours un peu derrière, et puis je me rapproche autant que je peux, quitte à reculer ou m’écarter si le danger devient trop grand. Par exemple, quand je suis entré parmi les premiers dans Rockport, la ville la plus touchée par l’ouragan, complètement détruite. J’ai fait une première tentative la nuit, mais j’ai préféré faire demi-tour car les routes étaient très inondées et une ligne haute-tension en travers de la route m’a convaincu de rebrousser chemin. Il n’y avait personne dehors, j’étais au milieu de nulle part, aucun éclairage, pas de réseau téléphonique, ça devenait trop dangereux. Dans ces cas là, un incident mineur devient majeur, par exemple une crevaison à cause des débris à terre qui vous immobilise. J’y suis retourné une fois le jour levé et j’ai failli être pris au piège par une crue éclair. Je roulais dans une zone à sec, puis la route est devenue inondée devant moi, les vaches fuyaient la zone inondée en arrivant vers moi. J’ai fait quelques dizaines de kilomètres en revenant sur mes pas et au fur et à mesure, les routes que j’avais empruntées étaient recouvertes d’eau. J’ai suivi plusieurs pick-up qui tentaient de s’échapper comme moi. Après une demi-heure de traversée de routes avec de l’eau au-dessus des roues, on a réussi à sortir. Il m’est arrivé presque la même mésaventure dans Houston centre. En cinq minutes, la route a été ensevelie sous 40 cm d’eau.
Face aux conditions atmosphériques, quel équipement avez-vous utilisé lors de vos différents duplex et reportages pour BFMTV ?
Je travaille avec du matériel très léger. Essentiellement deux iPhones, un micro avec un ampli et un selfie stick. Avec ça, je suis capable d’être en direct partout où il y a du réseau de téléphonie mobile et de tourner des reportages, tout seul. J’ai aussi un ordinateur pour monter les reportages. Mardi soir, j’ai même eu un invité en direct, je l’interviewais en anglais, je nous cadrais tous les deux avec l’iPhone et le selfie stick, et un traducteur traduisait à Paris pour les téléspectateurs français. C’est la première fois qu’on faisait ça avec un iPhone et un selfie stick à BFMTV. Et franchement, je ne vois pas trop sur quelle autre chaîne en France on oserait !
Merci Cédric !
par Damien D.